Il y a un an, la Fédération de Russie agressait, sa voisine, l'Ukraine.
Alors que le conflit se poursuit, je veux rendre hommage aux femmes et aux hommes de ce pays que l'agression russe a pris de court et qui se battent depuis un an au quotidien pour sauver leur pays de l'emprise russe et défendre les valeurs démocratiques auxquelles nous croyons profondément. Devant la violence du conflit, les femmes et les hommes de ce pays ont su se regrouper non seulement autour de leur nation, mais également autour de leurs institutions démocratiques, même fragiles : la présidence de la République, mais aussi le parlement ukrainien, dans les régions, dans les villes, jusqu'aux plus petits villages et organisations de la société civile. Grâce à leur engagement dans un nouveau faire ensemble, la démocratie, balbutiante, se renforce pas à pas.
Cette guerre, même si elle se déroule sur le territoire ukrainien, révèle la confrontation entre deux modèles de société et elle nous concerne tous, nous Européens. Dans notre modèle démocratique, nous avons vingt-quatre langues et cinq alphabets, le plurilinguisme est un outil d'émancipation et d'écoute ; dans le modèle impérialiste russe, la langue est une arme, une assignation à résidence. Chez nous, le soldat est d'abord un citoyen ; l'empire, lui, utilise des proxys, des mercenaires, des condamnés ; il en fait de la chair à canons. En démocratie, l'histoire est une science, parfois dérangeante, que l'on explore de façon détaillée et contradictoire ; dans la stratégie impérialiste, l'histoire est convoquée au service du plus fort, c'est une arme... Tant d'autres exemples depuis un an peuvent alimenter cette comparaison.
La guerre risque d'être longue encore sur le terrain, dans un équilibre des forces assez flou. Mais trois éléments, en cette date-anniversaire tragique, doivent être pris en compte :
Le premier, c'est que l'Ukraine a choisi un destin à l'intérieur de l'Union européenne, et que ce choix s'est révélé par la guerre un choix déterminé (la population ne cède pas à la destruction aveugle) et cohérent (malgré les fragilités de cette jeune démocratie, ce choix est un choix profond, qui engage toutes les forces sociales).
Le second, beaucoup plus inquiétant, c'est le risque de chaos à l'intérieur de la Fédération de Russie : plusieurs armées se font concurrence, si ce n'est s'opposent en interne ; des tensions réapparaissent entre 'sujets' (régions et ethnies) d'un même pays ; le pouvoir politique rigide, qui va au bout de sa logique totalitaire, peut s'avérer fragile en temps de crise.
Le troisième, enfin, c'est la nécessité pour l'Union européenne d'affirmer sa propre voix. Si notre unité est acquise, elle ne nous dispense pas de revendiquer auprès de nos alliés, auprès des autres pôles mondiaux, notre modèle propre, basé sur la réconciliation, la construction patiente et humaniste entre anciens ennemis héréditaires. En un mot, l'Europe n'est pas soluble dans « l'Occident ». Et la guerre d'Ukraine nous le rappelle à chaque instant. Encore faut-il le faire savoir.